Objets sacrés,
trésors d’orfèvrerie du Rouergue médiéval
17 octobre 2020 - 28 février 2021

Cette exposition rassemble pour la première fois les principaux chefs-d’œuvre de l’orfèvrerie du Rouergue médiéval.

La célèbre croix de procession de Najac comme le bras reliquaire de sainte Radegonde ou la statuette de sainte Foy en argent du Trésor de Conques cohabitent avec une quarantaine de pièces majeures réunies exceptionnellement. Source d’émerveillement, support de vénération depuis plusieurs siècles, l’ensemble révèle la préciosité des pièces commandées et la virtuosité de leurs créateurs.

Bras-reliquaire de sainte Radegonde, commune de Sainte-Radegonde

L'orfèvrerie au Moyen Âge

Le travail des métaux a prospéré tout au long du Moyen Âge. L’orfèvrerie désigne alors la  production d’objets en métaux précieux, l’or et l’argent, mais aussi le cuivre ou le bronze doré. Finement ouvragés, parfois rehaussés de pierres précieuses, de verres colorés et d’émaux, ces objets étaient destinés à un usage cultuel ou profane comme bijoux, éléments de parure ou vaisselle. L’orfèvrerie civile demeure alors  réservée à quelques privilégiés, seuls à même de commander des objets fabriqués avec ces métaux rares. Ces pièces, à la fois ostentatoire et pouvant servir à garantir un prêt pour les plus riches familles, ont pour la plupart disparu.

A l’opposé, l’orfèvrerie religieuse regroupe aujourd’hui un corpus conséquent malgré les destructions liées aux guerres, aux troubles politiques ou à l’évolution du goût. Les textes anciens permettent d’évaluer les pertes et l’importance de ces objets dans le déroulement de la liturgie ou de la piété médiévale. La qualité esthétique et l’emploi de matériaux précieux participaient au caractère sacré de ces objets, tout en reflétant la puissance de l’Église et la volonté d’ostentation des commanditaires.

À côté des prestigieux centres de production nationaux, le Rouergue a vu éclore des ateliers d’orfèvres talentueux à Rodez et Villefranche-de-Rouergue tout en conservant également des  objets commandés à Aurillac, Montpellier ou Toulouse… Cet ensemble de pièces allant des XIIIe au XVIe siècles est aujourd’hui remarquable au plan national.

Najac, croix-reliquaire
Croix de procession © Commune de Najac / DRAC Occitanie / Jean-François Peiré
Croix de procession © Commune de Najac / DRAC Occitanie / Jean-François Peiré

La croix-reliquaire de Najac

 

Le caractère exceptionnel de cette croix a été souligné très tôt par les savants et les érudits locaux. Son historique est mal connu, puisqu’elle apparaît tardivement dans les sources écrites. Plusieurs descriptions du XVIIe et XVIIIe siècles précisent que la croix a été commandée par les seigneurs de Sénezergues. Cependant, leur établissement près de Najac ne remonte qu’au XVe siècle et la croix est datable du XIIIe siècle.


L’étude et la restauration de cette œuvre réalisées en 2017 ont permis de documenter l’histoire des transformations subies par l’objet. Son aspect a été notamment modifié de façon importante lors de travaux de restauration réalisés dans les années 1930. La plupart des pierres ou verreries a été déplacée, l’une d’elles a été remplacée. Des clous de tapissier, qui maintenaient les plaques filigranées, ont presque tous été supprimés. Le lieu de fabrication de la croix a fait l’objet de plusieurs hypothèses formulées à partir de l’étude stylistique des filigranes. Selon les auteurs, la pièce a été rattachée à des ateliers situés dans le Limousin, dans le Sud-Ouest par comparaison avec les châsses du trésor de Grandselve conservées à Bouillac (Tarn-et-Garonne) ou encore de fabrication vénitienne par  rapprochement avec plusieurs objets du trésor de la basilique Saint-Marc à Venise.

Trésor orfèvrerie du Rouergue médiéval
Flagnac, reliquaire-monstrance

L'orfèvrerie dans les églises du Rouergue à la fin du Moyen Âge

Les objets d’orfèvrerie religieuse les plus remarquables se rencontrent souvent dans de puissantes abbayes comme Sainte-Foy de Conques. L’influence de cette dernière s’étend en Rouergue par
l’intermédiaire de ses prieurés, à l’image de celui de Flagnac qui conserve encore un ensemble d’orfèvrerie remarquable.

De la fin de la guerre de Cent ans au début de la Renaissance, la région connaît une période d’intense activité créatrice. De nombreuses églises sont reconstruites ou agrandies et pourvues de chapelles où s’épanouissent la sculpture, la peinture et le vitrail. Les objets précieux présentés dans l’exposition sont aussi le reflet de cette vitalité créatrice mais répondent surtout à des besoins liés à l’exercice du culte et à la vénération des reliques. Les nécessités de la liturgie rendent la présence de ces objets aussi indispensable dans les petites églises rurales que dans les plus grandes abbayes. Pour remplir leur fonction, ils respectent des formes codifiées peu nombreuses, qui pour certaines évoluent au cours de la
période.

Le succès d’un nouveau type d’objet, rassemblant les fonctions de reliquaire et d’ostensoir, en est un bon exemple. Le cylindre exposant les reliques y est surmonté d’une lunule pour présenter le Saint-
Sacrement. Le désir d’une proximité accrue avec le Christ s’accompagne d’une dévotion croissante à l’hostie consacrée. On voulait en effet voir celle-ci, au même titre que les reliques. Le Rouergue conserve quatre de ces reliquaires-ostensoirs, dont le modèle existait depuis le début du XIVe siècle dans l’Œuvre
de Limoges. Celui de Flagnac est un modèle abouti du XVe siècle à la composition équilibrée et élégante.

Le métier d'orfèvre

Les orfèvres sont appelés « argentiers » au Moyen Âge en référence au métal qu’ils travaillent le plus fréquemment. Ils forment une corporation plutôt aisée, leurs avantages sont en général  jalousement gardés, il est donc important de préserver un savoir-faire, mais également un patrimoine dans la même famille. Aussi le métier d’argentier se transmet-il très souvent de façon héréditaire et lorsque l’orfèvre a une fille, il la marie à l’un de ses meilleurs apprentis afin de perpétuer la lignée. Connue sur une durée
exceptionnelle de près d’un siècle et demi, la lignée des Frechrieu, orfèvres originaires de Villefranche de Rouergue, en est un exemple remarquable.

Afin de contrôler la précieuse production et d’éviter toute  malversation de la part des artisans, le pouvoir royal met en place, dès le XIIIe siècle, un système de contrôle dans lequel chaque pièce issue d’un atelier reçoit un poinçon. Au XIVe siècle, le poinçon de ville de Rodez est constitué d’un ROD surmonté d’une couronne, doublé d’un poinçon à la marque de l’orfèvre. La présence de ces poinçons,
associée à la documentation historique, constitue un remarquable outil d’identification et de datation des pièces d’orfèvrerie. Ainsi, nous connaissons bon nombre d’orfèvres en Rouergue dont les ouvroirs
sont implantés systématiquement en ville, notamment Pierre Frechrieu à Villefranche-de-Rouergue et Guillaume Andrieu, Guillaume Ito ou Hector Rayronie à Rodez. Des argentiers venus de Toulouse ou Montpellier ont également fourni des pièces au Rouergue.

Statuette de sainte Foy (détail) © Commune de Conques-en-Rouergue / DRAC Occitanie / Jean-François Peiré
Statuette de sainte Foy (détail) © Commune de Conques-en-Rouergue / DRAC Occitanie / Jean-François Peiré

Commissariat

Laurent Fau, conservateur des antiquités et objets d’art de l’Aveyron
Aurélien Pierre, directeur des musées de Rodez agglomération

Avec le concours de
Marie-Emmanuelle Desmoulins, chargée de la protection /CDAOA de l’Aveyron, conservation régionale des monuments historiques – DRAC Occitanie
Ariane Dor, conservatrice du patrimoine, conservation régionale des monuments historiques – DRAC Occitanie
Diane Joy, directrice du patrimoine, Rodez agglomération

Exposition réalisée avec le soutien de la Conservation Régionale des Monuments Historiques et du Conseil départemental de l’Aveyron.

Catalogue de l'exposition "Objets sacrés, L’orfèvrerie en Rouergue XIIIe - XVIe siècle"
Catalogue de l'exposition "Objets sacrés, L’orfèvrerie en Rouergue XIIIe - XVIe siècle"

Catalogue de l'exposition

Objets sacrés
L’orfèvrerie en Rouergue XIIIe – XVIe siècle

Sous la direction de Laurent Fau et Aurélien Pierre
304 p.
Broché rabat
Éditions du musée Fenaille
35 €
Parution le 17 octobre 2020

Sommaire
Introduction, Laurent Fau
Bernard de Gauléjac, Ariane Dor
La redécouverte de l’orfèvrerie médiévale dans le Rouergue, Ariane Dor
La restauration de l’orfèvrerie dans le Sud-Ouest de la France, du XIXe siècle à nos jours, Ariane Dor et Tiphaine Brocard
Le pouvoir seigneurial en Rouergue du XIIIe au XVe siècle, Alain Venturini
L’orfèvrerie de Conques à l’époque gothique, Ariane Dor
L’orfèvrerie dans les églises du Rouergue aux XVe et XVIe siècles, Diane Joy
Les orfèvres ruthénois à la fin du Moyen Âge, Sophie Cassagne-Brouquet
Un exemple d’orfèvrerie civile de la fin du Moyen Âge : les bijoux ornant la Majesté de sainte Foy, Laurent Fau
L’orfèvre Pierre Frechrieu, Laurent Fau
La croix processionnelle en Rouergue, Laurent Fau
Les secrets d’orfèvres du reliquaire de Saint-Fleuret. Analyse technique, Barbara Armbruster et Typhaine Brocard-Rosa

CATALOGUE (91 notices)
Marie-Emmanuelle Desmoulins, Ariane Dor, Laurent Fau, Diane Joy et Aurélien Pierre

 

 

 

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