Les œuvres
de la collection
Christ en Croix
Ce buste est le seul vestige d’une Crucifixion qui ornait le réfectoire de l’Abbaye de Bonnecombe, monastère cistercien situé à une quinzaine de kilomètres au sud de Rodez.
Fondée au XIIe siècle et placée sous la protection des comtes et des évêques de Rodez, l’abbaye possède de nombreux biens qui assurent sa prospérité.
D’après la tradition, c’est Paul de Carret, évêque de Cahors et abbé de Bonnecombe entre 1526 et 1555, qui donna ce Christ en Croix. Lorsque l’abbaye est abandonnée par les moines en 1792, le bâtiment sert de carrière et c’est un habitant du pays qui sauve le Christ de la destruction.
Le Christ est scié à mi-corps et ses bras ont disparu. Des traces de clous indiquent qu’une couronne était fixée sur sa tête. Le buste est constitué de plusieurs éléments assemblés, taillés dans du tilleul.
Les assemblages sont recouverts de bandes de toile collées. C’est essentiellement sur ces zones que s’est conservée la polychromie, composée de plusieurs couches :
- Une épaisse préparation blanche (sulfate ou carbonate de calcium), liée à la colle animale
- Une pellicule translucide et de couleur ambrée (huile et résine), destinée à limiter la porosité de la préparation
- Les couleurs originales : beige clair pour les carnations, à liant huileux et texture fine et lisse ; brun roux pour les cheveux ; brun foncé pour la barbe
La finition des détails permet d’apprécier le talent de l’artiste : le bord des paupières est dessiné par du brun et du rouge ; le coin de l’œil est marqué par une touche de rose ; le dessous des yeux est souligné par des cernes obtenues en mélangeant des pigments bleus au beige de la peau. Il en va de même pour le relief des côtes. L’intérieur de la bouche est peint en rouge mat ; la plaie du flanc est colorée de rouge translucide ; les gouttes de sang sur la tempe sont dessinées avec de la peinture rouge recouverte de glacis translucide rouge.
Tel qu’il se présente aujourd’hui, ce Christ crucifié touche profondément le spectateur par son expression de douleur intense, accentuée par la bouche ouverte. Loin d’être l’image d’une divinité inspirant la crainte, il est celle d’un être humain dont la souffrance profonde est lisible sur les traits du visage, dans l’abandon du cou aux ligaments tirés par le poids de la tête, sur le corps éprouvé dont on devine le souffle soulevant difficilement la cage thoracique. Chacun peut se reconnaître dans ce personnage et y projeter sa propre peur de la mort et de l’agonie.
C’est là véritablement une œuvre de la Renaissance, période où l’homme passe au centre des préoccupations et où les modèles antiques inspirent la représentation réaliste des corps.
On ne connaît malheureusement pas l’auteur de ce chef-d’œuvre, sinon qu’il s’agirait d’un grand maître italien du XVIe siècle. Sa figure expressive a frappé tous ceux qui l’ont vue, et parmi eux André Malraux l’a reproduite dans l’un de ses ouvrages consacrés à l’art.