Exposition temporaire
Three Night watchers – Doomsday hunting scene
Trois veilleuses de nuit – Scène de chasse le jour du Jugement dernier
30 juin 2023 - 3 décembre 2023
À l’invitation du musée Fenaille, l’artiste ukrainien Nikita Kravtsov et la brodeuse Camille Sagnes Kravtsova, ont travaillé pendant trois ans à la réalisation d’une scène brodée monumentale intégrant trois statues-menhirs de la collection — une réinterprétation de La Chasse de nuit du peintre de la Renaissance Paolo Uccello (1397-1475), composée de multiples fragments de canevas traditionnels et de tapisseries populaires collectés à travers l’Europe. Cette création s’inscrit dans la volonté du musée Fenaille d’ouvrir la collection du musée au regard de la jeune scène artistique.
Ces deux jeunes artistes réunis autour du projet TheTooth&TheRoot sont unis dans la vie et dans leur production artistique. Nikita Kravtsov est né à Yalta en 1988. Il est diplômé de la National Academy of Fine Arts and Architecture de Kiev et vit aujourd’hui à Paris. Son œuvre joue des supports et des techniques, bousculant les catégories de l’art contemporain – du bricolage le plus sommaire réinvestissant l’imagerie populaire à des grands formats peints à l’acrylique d’une foudroyante maîtrise technique. Peintures, collages, dessins ou multiples se succèdent ainsi au fil de ses projets en France ou à l’étranger, le plus souvent au service d’un art engagé. Très actif depuis le début du conflit entre la Russie et l’Ukraine, Nikita Kravtsov intervient ainsi régulièrement dans l’espace public.
Depuis 2015, il réalise avec son épouse des œuvres à deux mains usant de médiums variés : vidéos, installations, peintures ou broderies – Camille Sagnes Kravtsova est notamment diplômée dans les arts textiles. Leurs œuvres expriment le plus souvent une forme de critique sociale où brille l’absurdité de nos existences modernes. Pour le musée Fenaille, la production de la scène brodée a nécessité plusieurs centaines d’heures et plusieurs dizaines de pièces tissées, réunies au fil des voyages du couple en Europe. Les sujets ont été savamment découpés, rassemblés puis réunis à l’aiguille par de multiples points de coutures afin de composer un immense tableau composite. Il prend place derrière trois statues-menhirs de la collection permanente du musée. Ces stèles préhistoriques, entourées de fleurs artificielles rapportées d’Ukraine, font office de sentinelles, gardiennes hiératiques ayant traversé les siècles et confrontées à la folie des Hommes.
Dans cette scène de Jugement dernier, aucune possibilité de salut, mais la vision cruelle d’un monde finissant où les hommes et les animaux semblent condamner à s’entretuer. Cette vision apocalyptique a été conçue comme une réinterprétation d’un des plus célèbres tableaux du peintre florentin Paolo Uccello (1397-1475) : La Chasse de nuit (1470), conservé au Ashmolean Museum à Oxford. La proposition formulée par les deux artistes inverse les rapports de force entre les hommes et les animaux – le chasseur devenant chassé. La même « inquiétante étrangeté » transparaît dans les deux œuvres. Les changements d’échelles et de perspectives invitent notre regard à se perdre. Dans ce fourmillement général, des boules de feux brodées au crochet répondent à une prairie de fleurs artificielles. Jouant des critères de goût, à la frontière de l’art naïf et populaire, l’ensemble donne à voir une incroyable vision des fins du temps qui rappelle la puissance évocatrice des grands imagiers du Moyen Âge que l’on retrouve brillamment en Rouergue sur le tympan de l’abbatiale de Conques.