durée de la visite

45 minutes

Le parcours de visite du musée commence par une collection unique de statues-menhirs, la plus importante en Europe. Ces figures anthropomorphes, érigées autour du IIIe millénaire avant notre ère, sont les plus anciennes représentations de l’homme en grand format connues en Europe occidentale. Dans les salles alentours, de nombreux objets donnent un aperçu de la vie des populations qui les ont érigées : habitats, sépultures, outils et parures.

Détail de la Dame de Saint-Sernin
Détail de la Dame de Saint-Sernin © Cédric Méravilles
Vue de la salle des statues-menhirs. Au premier plan la Dame de Saint-Sernin
Vue de la salle des statues-menhirs. Au premier plan la Dame de Saint-Sernin © Cédric Méravilles

La plus importante collection de statues-menhirs en Europe

La salle qui regroupe les statues-menhirs présente 17 sculptures originales au public. La collection du musée est composée de 21 monuments. Cet ensemble, unique en Europe, offre une large vision du phénomène à travers des monuments significatifs et emblématiques dont la célèbre Dame de Saint-Sernin ou la statue-menhir des Maurels. La collection rassemble une grande partie des premières sculptures identifiées dès la fin du XIXe siècle par l’archéologue Frédéric Hermet jusqu’aux découvertes les plus récentes (Statue-menhir de Jouvayrac, commune de Martrin). La variété des monuments rassemblés permet à chacun de découvrir ce phénomène dans toute sa complexité.

La Dame de Saint-Sernin dans la salle d'exposition
La Dame de Saint-Sernin dans la salle d'exposition © Cédric Méravilles

La Dame de Saint-Sernin, icône de la Préhistoire

En 1888, le jeune vicaire Frédéric Hermet s’intéresse à un bloc sculpté abandonné le long d’un chemin à Saint-Sernin-sur-Rance (Aveyron). Il publie les premières descriptions. La communauté scientifique découvre cette sculpture baptisée par la suite : La Dame de Sainte-Sernin. La forme générale du monument fait penser à un menhir. Elle figure un personnage entier dont les quatre faces sont sculptés.
C’est une véritable statue.

Le personnage est représenté en pied, les jambes droites, la taille marquée par une ceinture. Les bras repliés sur le buste sont prolongés dans le dos par des épaules en forme de crosse. Les traits du visage sont simplifiés : seuls les yeux et le nez sont tracés, ainsi que des tatouages en forme de traits parallèles sur les joues. Cette figure féminine a des seins en forme de boutons, des colliers à plusieurs rangs autour du cou et des cheveux tirés en arrière par une queue de cheval. Elle est vêtue d’un grand manteau aux lourds plis parallèles.

A la suite de l’identification de la Dame de Saint-Sernin, son inventeur, Frédéric Hermet, puis de nombreux archéologues vont s’intéresser au phénomène en étudiant celles déjà repérées et exhumer de nouvelles stèles.

La Dame de Saint-Sernin, vue de face
La Dame de Saint-Sernin, vue de face
La statue-menhir des Maurels
La statue-menhir des Maurels © Pierre Soissons

Des statues-menhirs féminines, masculines et transformées

La Dame de Saint-Sernin constitue un véritable modèle de statue-menhir féminine avec ses caractères physiques et ses différents attributs. Dans la salle, la plus grande des sculptures de la collection, celle des Maurels, présente les caractéristiques des sculptures masculines. Les hommes portent des armes et un baudrier en travers de la poitrine où est suspendu un ustensile de forme triangulaire et pourvu d’un anneau. Cet instrument étant encore difficilement identifiable, les archéologues lui ont donné le nom “d’objet ”ou “d’objet-poignard”. Les statues-menhirs nous renseignent sur les signes corporels, le costume et les accessoires valorisés dans ces sociétés de la fin de la Préhistoire.

D’autres sculptures présentent des traces de transformation. La statue-menhir de la Prade conserve encore les stigmates d’un état antérieur où était représenté sur sa face un baudrier associé à l’objet-poignard. Ce premier état a été supprimé par un martelage méthodique de ce décor en relief. Un collier a été gravée, féminisant ainsi le personnage représenté. Dans le dos, des sillons verticaux masquent le baudrier en figurant les plis d’un vêtement. De telles modifications sont aussi visibles sur la statue-menhir de La Borie des Paulets.

La statue-menhir de la Prade
La statue-menhir de la Prade © Pierre Soissons
La statue-menhir la Verrière
La statue-menhir la Verrière © Pierre Soissons

Un petit groupe de sculptures qui s’apparente plus à des stèles forme un groupe original dans le phénomène des statues-menhirs. Ces monuments ne représentent plus le corps humain. Les caractères anatomiques ont disparu et ces monuments s’attachent à figurer uniquement des attributs (colliers, “objet-poignard” ou vêtement). Il s’agit des statues-menhirs de Tauriac, de Cenomes et de la Verrière. Cette dernière, très originale et particulièrement hermétique, est la préférée du peintre Pierre Soulages.

Des sculptures d’une grande diversité

Les statues-menhirs complètes conservées au musée Fenaille pèsent entre 90 et 870 kg et mesurent entre 0,85 m et 2,10 m de haut. La qualité de la mise en œuvre des sculptures est très variable et peut nous surprendre. Il semble encore difficile de préciser ces différences et les raisons de ces variations. Certains monuments présentent une grande attention dans leur réalisation (Dame de Saint-Sernin, les Maurels, Saumecourte 1) ou leur mise en forme (Pousthomy 2).

La statue-menhir de Saumecourte
La statue-menhir de Saumecourte © Pierre Soissons
La statue-menhir de Nicoules
La statue-menhir de Nicoules

D’autres, au contraire semblent plus frustres (La Borie des Paulets, Nicoules). Les dimensions sont aussi très variables. Pour les statues-menhirs rouergates, le grès est le matériau privilégié mais deux sculptures présentes dans la collection sont taillées dans deux roches peu utilisées et particulièrement difficile à travailler : le schiste et la diorite.   

La datation des statues-menhirs rouergates est délicate, car toutes ont été retrouvées isolées en pleine nature, sans aucun vestige qui permette d’en préciser la chronologie. Toutefois, en comparant certains attributs figurés sur les statues avec des objets trouvés en fouille, on peut proposer avec vraisemblance une fourchette couvrant la période comprise entre 3 300 et 2 200 av. J.C Deux premières datations au carbone 14 effectuées récemment en contexte archéologique donnent un premier horizon autour de – 2700 avant notre ère

Divinités, héros ou dignitaires ?

Le sens des statues-menhirs reste aussi difficile à comprendre. S’agit-il de divinités, de héros ou de dignitaires ? Pour les stèles rouergates, l’absence de documents archéologiques proches ne permet pas de trancher. Il est probable que ces statues, exécutées dans la pierre et d’une taille parfois supérieure à celle de l’homme, incarnaient des êtres de pouvoir. Mais aucun indice ne permet de préciser s’il s’agit de pouvoir temporel ou spirituel. On sait cependant que les communautés agricoles connurent une importante évolution au cours de la fin du Néolithique et que cette transformation du groupe social s’est accompagnée de l’émergence de dignitaires. Est-ce leur image réelle ou idéalisée qui est sculptée dans la pierre ?

Les statues-menhirs sont les plus anciennes statues monumentales connues à l’ouest de l’Europe : les premières figures sculptées, datant du Paléolithique supérieur, atteignent rarement 30 cm de haut. Ce n’est qu’à la fin du Néolithique que l’Homme se représente pour la première fois à taille presque réelle et parfois, plus grand. Ces statues sont contemporaines de la naissance de la grande statuaire en Egypte et Mésopotamie.

Salle des statues-menhirs © Vincent MC CLURE
Salle des statues-menhirs © Vincent MC CLURE

Les hommes au temps des statues-menhirs

Les vitrines disposées dans la salle des statues-menhirs présentent des objets archéologiques en lien avec les attributs représentés sur les monuments. Grâce à ces sculptures, nous disposons d’un certain nombre d’informations sur les costumes et les accessoires valorisés sur les personnages représentés. Il ne reste aucun vestige des grands manteaux plissés ou ornés de rayures comme des ceintures fermées par une boucle. Nous conservons cependant de grandes quantités de perles, découvertes en contexte funéraire, que l’on peut imaginées assemblées en colliers à plusieurs rangs (cinq sur la dame de Saint-Sernin) formant de véritables pectoraux. Des pendentifs en pierre ou en coquillages devaient compléter les parures, suspendues peut-être à un lien comme la pendeloque allongée parant le cou des statues féminines. Il reste pour les arcs et les flèches des milliers d’armatures en silex comme de nombreuses haches en pierre qui étaient fixées à un manche. Aucune trace du baudrier des statues-menhirs, sans doute car il était en cuir. Il existe néanmoins des petits objets en lignite de forme allongée, terminés par un anneau et percés de trous. Ils ont été rapprochés des « objets-poignards » des statues-menhirs, dont ils pourraient être des représentations miniaturisées ou plus simplement des évocations de poignard. Ces couteaux en pierre, fruits d’un grand savoir-faire, apparaissent à cette période

Essai de reconstitution de la maison de La Vayssière (peinture de Michel Cure)
Essai de reconstitution de la maison de La Vayssière (peinture de Michel Cure)

La fin du Néolithique (3500-2200 av. J.C.)

Couvrant plus d’un millénaire, la fin du Néolithique (3500-2200 av. J.C.) voit s’ébaucher une nouvelle organisation des communautés d’agriculteurs-éleveurs. Celles-ci se démarquent les unes des autres par les formes et les décors des objets de leur quotidien (céramiques, parures, outils). Ainsi, les Grands Causses et leurs marges sont occupés par les hommes dit du « groupe des Treilles », du nom d’une grotte sépulcrale ayant livrée une série d’objets significatifs.

Ces communautés fréquentent les nombreuses grottes de la région, qui ont de multiples usages : source d’eau, carrière d’argile pour la poterie, entrepôt, et sans doute habitat sous le porche d’entrée. Mais ils construisent aussi des habitats en plein air avec des murs en terre sur un soubassement de pierres. Les vestiges osseux découverts aux abords des habitations ou dans un contexte funéraire permettent de reconstituer une partie du régime alimentaire des hommes de la fin du Néolithique : sur le site des Treilles (à Saint-Jean-et-Saint-Paul), on consommait du mouton, de la chèvre, du porc, du bœuf, du lièvre, du cerf et des oiseaux. Des grands vases silos servent à conserver à l’abri des rongeurs les céréales récoltées. Les grains, dont quelques uns torréfiés par un foyer nous sont miraculeusement parvenus, sont broyés sur une meule à l’aide d’une petite molette.

Des sépultures collectives

Les morts sont inhumés dans des tombes collectives, grottes ou dolmens. Le département de l’Aveyron conserve le plus grand nombre de dolmens en France : près de 1 000 monuments ont été identifiés. Ces édifices constituent les premières formes d’architecture en pierre. L’utilisation de ces caveaux familiaux s’étend sur plusieurs générations avec parfois des concentrations d’individus très importantes (plus de 200 au dolmen de Pérignac à Salles-la-Source). Au fur et à mesure des dépôt, on repoussait sur les côtés les ossements précédents. L’essentiel du mobilier archéologique découvert pour cette période (parures, armes ou céramique) a été retrouvé au milieu de ces restes humains.

Essai de reconstitution du dolmen de Peyrelebade I à Salles-la-Source - maquette réalisée par Daniel Coulet et les maquettes Tanière
Essai de reconstitution du dolmen de Peyrelebade I à Salles-la-Source - maquette réalisée par Daniel Coulet et les maquettes Tanière
Céramiques provenant de Saint-Jean-et-Saint-Paul (grotte des Treilles), IIIe millénaire avant notre ère.
Céramiques provenant de Saint-Jean-et-Saint-Paul (grotte des Treilles), IIIe millénaire avant notre ère.

Des céramiques aux formes simples

A côté des grands vases silos d’une contenance proche des 80 litres, la céramique de la fin du Néolithique se compose essentiellement de petites pièces, aux formes simples. Le décor se limite à un cordon horizontal, à des petites pastilles renflées ou des motifs triangulaires hachurées. Des systèmes de préhensions (languettes ou tenons) facilitent les manipulations. Les récipients, sphérique et à fonds rond, servent à la cuisson ou au service. Un certain nombre a été découvert à l’entrée des chambres sépulcrales évoquant des rites funéraires.

Un outillage varié

Les haches ou herminettes sont au coeur de l’outillage. Les plus communes sont en pierre polie, taillées dans la cinérite locale ou dans des roches importées de couleur noire ou verte (fibrolite, serpentine). Leur mode d’emmanchement se diversifie avec l’emploi parfois de gaine en bois de cerf servant d’amortisseur entre la partie en pierre et le manche en bois. Certaines haches, fabriqués en bois cerf, font office de pics ou de hache-marteau. Dans ce lot, un exemplaire peu courant, non fonctionnel et présentant un dispositif de fixation original, semble évoquer un objet à usage symbolique. 

Le même bois de cerf est également utilisé pour fabriquer des petits manches ou des lissoirs. De grandes lames en silex fixées sur des armatures en bois ou en os, ont servi de couteaux à moissonner, pour récolter les végétaux. De multiples grattoirs sont fabriqués dans de la chaille, un silex de mauvaise qualité. Les outils en os sont nombreux et d’utilités variées (perçoirs, ciseaux).

La naissance du métal

Les premiers objets en cuivre apparaissent à cette période. Il s’agit principalement de petites perles destinées à la parure et de quelques lames de poignards. Une des ces dernières, particulièrement bien conservée, présente la forme générale d’une feuille avec son arête médiane. Le musée conserve aussi un exemplaire  très rare de hache en cuivre. La pratique de la métallurgie du cuivre s’installe dans la région environ 3 300 ans avant notre ère. L’exploitation de minerai est attestée dans les Monts de Lacaune. Les peuples qui sont établis à proximité de filons de minerai de cuivre en tirent certainement avantage.

Poignard en cuivre provenant de Millau (Saint-Martin-du-Larzac) IIIe millénaire avant notre ère
Poignard en cuivre provenant de Millau (Saint-Martin-du-Larzac) IIIe millénaire avant notre ère © André Méravilles / musée Fenaille